Bonjour,
Je viens de visionner, en large différé, le premier entretien. Je vous remercie pour l'initiative et pour sa qualité. Une remarque me semble toutefois fondamentale à formuler (sous la réserve du fait que je n'ai pas visionné encore les deux entretiens suivants)
A aucun moment, bien qu'étant tout proche, les deux animateurs n'ont nommé les deux prisons dans lesquelles les civiliens, comme vous les appelez, sont cantonnés et qui rendent l'initiative difficile, voire impossible.
La première de ces prisons, c'est la Constitution actuelle. Le mot n'a été prononcé que deux fois, pour le droit à l'expérimentation, mais avez-vous conscience que la quasi-totalité des sujets abordés lors de la rencontre ne sont pas d'ordre législatif, mais constitutionnels ? Seule une autre constitution peut graver dans le marbre, par exemple, le RIC en toute matière. Or, je rejoins absolument Etienne Chouard sur ce point que justement, c'est à la société civile d'écrire la constitution, donc les règles du pouvoir. Jusqu'à présent, cela n'a encore jamais été le cas. La société civile doit d'abord devenir constituante. Je vous invite vraiment si vous ne l'avez pas déjà fait, à visionner ce que Chouard a à dire à ce sujet. C'est le tout premier pas: exercer lors d'ateliers, le processus constituant. L'insurrection du peuple non par les armes, mais par les plumes. De la sorte, nous serons alors seulement vraiment en république, nous aurons le mot, mais aussi et pour la première fois, la chose.
Deuxième prison, qui va de pair avec la première et s'oppose aussi absolument au RIC, à l'écologie, et j'en passe, c'est l'union européenne. Aurons-nous le courage de dénoncer cette organisation totalitaire, totalement anti-démocratique, sans avoir peur de passer pour de dangereux néo-nazis ? Dans son essence même, cette union européenne interdit toute réforme dans le sens de ce que vous nommez. Je crois que tant que ces deux prisons ne sont pas nommées, et la conscience claire sur ces points, toute volonté réformatrice relève de l'utopie la plus pure.
Est-il prévu, ou y a-t-il déjà eu de tels sujets abordés de votre part ?
Merci beaucoup pour votre attention.
Romain
Voilà une réponse qui clarifie un peu à mes yeux le propos de la vidéo. Il semble donc bien que pour vous la société civile n'est pas appelée à devenir l'exécutif de l'état, mais que par contre elle devrait se poser la question des limites au delà desquelles l'Etat peut lui devenir nuisible, voire l'est déjà et en tout cas ne peut plus vraiment aider les "civiliens" à arbitrer leurs propres conflits (car ayant ses propres intérêts idéologiques ou économiques). Peut être l'expérience actuelle de gestion d'épidémie sensibilisera-t-elle un plus grand nombre à ce genre de question ?
Concernant la première prison, la Constitution nous emprisonne effectivement. Nous aurions besoin d'en changer et c'est au sein de la Société Civile que l'écriture de ce nouveau texte devrait se faire. Mais il y a un préalable: je ne crois pas que l’on puisse avancer tant que l’on ne remet pas en cause les fameux trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) qui sont traditionnellement attribués à l’État. C’est-à-dire que l’on ne reconsidère pas le cadre contraignant que constitue l’État Unitaire. Aborder une nouvelle constitution sans se demander « dans quels domaines l’État a-t-il un rôle exécutif justifié ? », nous conduira à reproduire les schémas anciens qui sont justement la cause des causes des causes du problème. C'est la raison pour laquelle nous avons commencé par aborder la question qui nous semble première: celle du rôle exécutif que l'on attribue généralement à l'État.
Vous prenez l'exemple du RIC. Je suis tout à fait d’accord que c’est la base indispensable à tout changement dans la démocratie et à un vrai développement d’une démocratie impulsée par la société civile. J’ai beaucoup milité pour cette cause. Mais en en donnant la version suisse, c’est-à-dire la séparation conceptuelle entre le droit de Référendum et le droit d’Initiative Populaire. Ayant participé à la vie politique suisse, j’ai mesuré la clarté qu’apportait cette distinction. J’appelle ce double droit le minimum vital de la démocratie, qui devrait comporter un deuxième volet, celui du droit à l’expérimentation, lequel a constitué le menu de la 3ème Rencontre Civilienne.
Oui, l’UE, dans sa forme actuelle, contribue fortement à entourer la prison de nouveaux barbelés, la rendant de plus en plus hermétique à toute tentative d’évasion. Mais l’UE n’est que le prolongement de l’État Unitaire. Nous reproduisons à l’étage supérieur la conception de la démocratie telle que nous l’avons à l’étage d’en-dessous, c’est-à-dire celui du pays. Cette forme d’Europe n’est pas une cause première. Elle est une conséquence. De même que l’exclusion des citoyens de la rédaction des lois est une conséquence. Et je ne crois pas que le tirage au sort des députés changera grand-chose à l’affaire, si l’on n’a pas pris soin de d’abord traiter le fond de l’affaire. Il me semble utile de ne pas confondre les principes généraux avec les outils qui permettraient de réaliser ces principes.