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Aux limites de nos «démocraties»


Le Covid 19 va-t-il nous pousser vers une fracture démocratique ?
Si oui, comment aborder une telle question au niveau d’un pays ?
Ce virus ne s’attaque pas seulement au corps humain, mais également au corps social dont il révèle les faiblesses. Par le jeu des majorités, nos «démocraties» permettent qu’une partie de la population impose des choix à l’autre partie. Dans certains domaines, on peut le comprendre et c’est même une façon commode de trancher certains choix. Mais lorsque l’intégrité physique de la personne est concernée, peut-on procéder de la même façon ?
Nous verrons que la difficulté systémique générée par la conception habituelle de la démocratie va nous entraîner dans une crise d’un nouveau type et dont on pressent l’étendue...
Rencontre n°4
Rencontre n°4
Lors de la première Rencontre Civilienne, nous avons jeté les bases d'une transformation fondamentale de l'État. Il est apparu que le triple pouvoir -Exécutif, législatif, judiciaire - attribué à l'État était admis une fois pour toutes comme un absolu. Or si l'on interroge les faits eux-mêmes, on s'aperçoit que, dans presque tous les domaines, le pouvoir exécutif ne nécessite pas un gouvernement central et que l'on aurait grand avantage à ce que les acteurs de la société civile exécutent eux-mêmes ces tâches. Il s'agirait de remettre le pouvoir exécutif entre les mains des Civiliens.
Comment ?
Dans quelles limites ?
Avec quelles règles et garde-fous ?
Nous aborderons ces questions en détaillant le mode de fonctionnement de ce que nous appellerons les services publics de la société civile, une forme d'organisation ni centralisée, ni décentralisée.
Au préalable, nous aurons besoin de préciser la différence entre l'économie marchande et l'économie non-marchande et comment l'une ne peut aller sans l'autre. Ceci nous permettra de saisir l'impasse dans laquelle nous conduit l'économie libérale lorsqu'elle veut diminuer les services publics pour rétablir l'équilibre économique ; et l'illusion qui consiste à vouloir défendre les services publics par l'action d'un gouvernement exécutif central.
Ainsi, par cette deuxième Rencontre Civilienne, nous entrerons davantage dans le détail de ce que pourrait être une nouvelle forme de gouvernance par la société civile. Il sera alors plus facile de se faire une image concrète de ce que Civilien veut dire.
Dimanche 20 septembre 2020
Quelques points clés abordés lors de cette rencontre
Introduction et repères
[00:21] Introduction à la 2e formation civilienne sur la forme future de la vie sociale.
[01:10] Présentation de Michel Laloux (Économiste, pédagogie et chercheur ; auteur de « La démocratie évolutive » et de « Dépolluer l'économie, révolution dans la monnaie »).
[02:14] Présentation de Stéphane Lejoly (Conseiller en entreprises sociales).
Repenser l'État, le gouvernement et le service public
Rappel de quelques notions clés abordées lors de la première formation
[03:07] Penser un tout autre concept de l'État et de la crise.
[05:09] L'action bloquante des « macrobes » (institutions supra-étatiques ou macro-sociales).
[06:12] Revisiter de fond en comble les trois pouvoirs que l’on attribue habituellement à l’État. Focus sur le Pouvoir Exécutif.
[07:04] La question : avons-nous besoin d'un gouvernement (unitaire) ?
[07:34] Le Service Public, une notion floue (souvent confondu avec l'État).
Économie marchande et non marchande : la question du financement
[09:48] Pour réellement comprendre ce qu’est un service public, il faut pouvoir faire la différence entre Économie Marchande et Économie Non Marchande.
[13:08] L'Économie Non Marchande est vitale pour l'Économie Marchande ! L’économie marchande ne peut être en bonne santé QUE s’il y a assez de ressources allou ées à l’économie non marchande.
[15:52] Un paradoxe étonnant : lors d’une crise économique, il faudrait dès lors allouer plus de ressources au non-marchand, notamment aux services publics, plutôt que diminuer ses ressources. Le vrai but sous-jacent à tous les plans pour réduire les moyens de l’économie non marchande.
[18:37] Une question à traiter absolument : à qui appartiennent les bénéfices des entreprises ? Voir : www.civiliens.info/08
[20:42] Le financement des services publics est lié à la question du capital.
Clarifier ce qu’est un service public (civilien)
[25:28] L’exemple de l'école de musique municipale et de l'école associative sans but lucratif.
[28:12] Critères d'un Service Public : ouvert à tout public, sans but lucratif et financé par l'argent public exclusivement consacré à ce but.
[33:59] La confusion autour du terme « privé » qui qualifie à tort des services publics portés par des citoyens et des associations, par opposition au terme « public » associé aux « pouvoirs publics » (États, communes, provinces, etc.).
Une proposition concrète de schéma organisationnel et fonctionnel d’un Service Public de la Société Civile
[40:53] Présentation du schéma de Service Public de la Société Civile.
[42:30] Le Conseil de Surveillance (CDS) composé d'ONG, usagers et employés.
[43:07] L'Institut d'Audit pour regarder et vérifier les comptes et le fonctionnement du service public.
[44:13] Le Conseil National des Usagers détermine les ratio des plafonds budgétaires des institutions.
[47:33] Le Conseil de Coordination des Institutions (CCI) et l'obligation de coopération.
[49:52] Au sein des Conseils de Coordination locaux, les Services Publics de la Société Civile ont l’obligation de trouver des solutions (il s’agit d’un devoir), selon les spécificités locales. C’est la société civile qui voit les besoins sur le terrain, sans les faire remonter à un État central qui devrait s’en occuper.
[53:00] L'Institut d'audit et le CCI peuvent enlever l'accréditation de service.
[56:30] Bien faire la différence entre :
(1) Marchand et non marchand. (2) Services publics et non services publics.
Des services publics, il peut y en avoir dans le non marchand et aussi dans le marchand.
Une présentation détaillée du fonctionnement d’un service public de la société civile se trouve ici : www.civiliens.info/19 (deuxième vidéo). Dans cet exemple, il s’agit d’un service public de gestion de la monnaie (de contribution). Un autre exemple, qui concerne cette fois-ci les Écoles de la Société Civile, est donné ici : www.civiliens.info/21 (il s’agit de la quatrième vidéo mentionnée sur cette page et intitulée, « DÉCOUVRIR les Écoles de la Société Civile – Partie 2 »).
Questions des participants et derniers points abordés
[00:58:17]
[01:00:08] La Société Civile comme véritable Pouvoir Exécutif (non gouvernemental) agissant au niveau méso-social. Le pouvoir exécutif est le pouvoir de faire.
[01:05:04] Une nécessité : "civilianiser" pas à pas les entreprises et l’économie.
[01:10:44] La distinction entre marketing de manipulation et marketing de concertation.
[01:13:03] Conclusion et invitation à la prochaine rencontre.
Les services publics de la Société Civile
Dans la continuité de leur première session, Michel Laloux et Stéphane Lejoly abordent ici la question centrale des services publics, et proposent une restructuration fondamentale de la gouvernance sociétale qui remet l'action et l'exécution directement entre les mains des « Civiliens ».
I. Introduction et examen critique des structures sociales actuelles
A. L'échec de l’État unitaire : penser un tout nouveau concept d'État

Ils introduisent la discussion en rappelant quelques notions clé présentées dans la première vidéo « Et si la société civile était l’État, » (www.civiliens.info/01), notamment la nécessité de modifier les schémas mentaux hérités portant sur la structure de l'État, dont la forme de gouvernance est, dans le fond, archaïque, remontant pratiquement à l'époque romaine [00:03:58]. Autres notions clé rappelées :
Repenser les trois pouvoirs habituellement attribués aux États : Il est urgent de revisiter les trois pouvoirs (Législatif, Judiciaire, Exécutif) et de déterminer la légitimité du pouvoir Exécutif de l'État [00:06:12].
Le mythe de l'État-exécutif : en montrant qu’il existe habituellement une totale confusion entre l’État à proprement parler (qui devrait concerner uniquement le pouvoir Législatif) et le Gouvernement (qui est actuellement conçu comme étant l’Exécutif au sein d’un État unitaire) Michel Laloux en vient à poser la question : si nous comprenons que dans le fond l’Exécutif n’a rien à avoir avec l’État et qu’il pourrait être pris en charge, pas à pas, par la Société Civile, « Avons-nous encore besoin d'un gouvernement ? » [00:07:13], qui plus est, un gouvernement unitaire, avec un Président issu d’un processus électoral, rigide et centralisé ?
La révélation de la crise du COVID : La crise du coronavirus a exposé la lourdeur et l'incapacité de l'État central à faire face, citant l'exemple des vétérinaires proposant de faire des tests et ayant dû attendre des semaines pour obtenir une autorisation gouvernementale [00:36:17].
De manière comparable au fonctionnement pyramidal et centralisé du Gouvernement en tant qu’Exécutif de l’État, il existe des institutions supra-étatiques (ONU, FMI, Union européenne, etc.) qui agissent elle aussi au niveau macrosocial, et qui ont du mal à se mettre au diapason des besoins des « civiliens ». Elles peuvent même agir comme un facteur bloquant pour l'évolution de la société, voire s’avérer « morbide », un peu à la manière de certains microbes à une échelle minuscule. Dans cet esprit, Michel Laloux les désigne comme étant des « macrobes » [00:05:09].
B. Confusions autour des Services Publics

Les crises actuelles relancent le débat sur les services publics, dont la notion est dans le fond très floue dans l’esprit de la plupart des personnes. La réponse la plus courante est que le « service public, c'est ce qui est géré par l'État », menant ici à nouveau à une confusion entre l'État et le gouvernement. La société civile est pourtant capable de prendre en charge des fonctions absolument indispensables relevant actuellement de ministères (santé, éducation, etc.).
Toutefois, pour réellement comprendre ce qu’est un service public, il faut pouvoir au préalable faire clairement la différence entre Économie Marchande et Économie Non Marchande [09:48].
II. Le Rôle Vital de l'Économie Non-Marchande
1. Économie marchande et non-marchande : une relation vitale incomprise

Économie Marchande : Production de biens et services "facturés à la pièce" (ex. fabrication de stylos, prestation de transport) [09:54].
Économie Non-Marchande : Services pour lesquels la prestation n'est pas facturable directement (ex. enseignement, recherche, culture, art…) [00:10:29]. On note une déconnexion complète entre le salaire (ou la rémunération) de la personne et la prestation effectuée [00:12:08]. Tenter de facturer ces services (par la pièce ou par l'heure) mène à la marchandisation du domaine (ex: l'éducation) [00:11:10].
Vitalité : L'Économie Non-Marchande est absolument vitale pour l'Économie Marchande [00:12:59] (et bien sûr vice versa). L’une ne peut pas aller sans l’autre.
2. Le Paradoxe des coupes budgétaires en période de crise
Or, en période de crise économique, la plupart des économistes, même lorsqu’ils soulignent l’importance de l’économie Non Marchande, préconisent quand même la diminution des ressources à lui allouer (services publics) [00:13:14].
C’est une erreur fondamentale ! Diminuer les ressources des services publics et du milieu associatif (santé, culture…) réduit le pouvoir d'achat de ces travailleurs, qui ne peuvent plus acheter les produits de l'économie marchande. En quelque sorte, l'économie marchande « se tire une balle dans le pied » en agissant ainsi [00:14:30].
L’économie ne peut être en bonne santé que s’il y a suffisamment de ressources allouées à l’économie Non Marchande. En période de crise, il faudrait paradoxalement allouer plus de ressources à l'économie non-marchande pour maintenir la santé de l'économie globale [00:15:43].

3. Le Problème de l'argent public
Le vrai problème du financement des services publics est lié à la dette de l'État mais aussi à la question des bénéfices versés aux détenteurs des entreprises [00:16:45]. Ne serait-ce qu’en France, les bénéfices annuels distribués par les entreprises (env. 250 milliards d'euros en 2019) constituent une somme colossale qui pourrait très largement financer les services publics [00:19:43]. Ce qui nous amène dès lors à la question du capital, et plus précisément :
« À qui appartiennent les bénéfices des entreprises ? » [00:23:34] (la vidéo www.civiliens.info/08 traite de manière approfondie ce sujet). La solution ne sera alors pas de taxer un peu plus les riches, mais de revoir en profondeur la conception même du capital, qu'il faudrait considérer comme un Bien Commun dans les entreprises [01:11:50] (les civiliens le feront quelques semaines plus tard sur cette page et cette vidéo : « Les actions, une question capitale », www.civiliens.info/07 )!
III. Le service public civilien : l'exécutif aux acteurs de terrain
Nous ne parvenons pas avancer sur des solutions pour financer l’économie non marchande car nous n’avons pas une image claire de ce que sont les services publics. Nous croyons qu’ils sont liés à l’État et qu’il faut faire maigrir l’État, alors qu’il s’agit de tout autre chose [00:24:35].
1. Les critères clés d’un service public

En réalité, de nombreuses associations ou institutions offrent dans les faits un véritable service public comme le montre l’exemple de de l'école de musique municipale et de l'école associative sans but lucratif situées dans la même commune. La seconde qui rend pourtant un service public, est pénalisée par l'absence de financement public, créant ainsi une barrière financière [00:25:26].
Un service public, qu'il soit géré par l'État ou par la société civile, doit remplir ces conditions [00:28:18] :
Il s'adresse à tout public (sans discrimination).
Il est sans but lucratif (intérêt public vs. intérêt privé).
Il doit travailler avec de l'argent public qui est exclusivement consacré à son but.
Si un enjeu central est de « dés-étatiser » les institutions pour les rendre véritablement publiques [00:32:07], un autre enjeu est d’avoir des critères très clairs de ce qu’est un service public, et à partir de là, pourvoir déterminer quelle est la meilleure façon de gérer un service public [00:35:33]. Or la société civile est capable de faire par elle-même, c’est-à-dire les acteurs de la santé, de l’éducation, de la recherche, etc.
2. Un exemple de schéma de gouvernance civilienne
Face à l'objection d’un risque de chaos, de dispersion des moyens ou de concurrence entre services publics civiliens due à la décentralisation [00:37:15], Michel Laloux explique qu’une objection ne doit jamais justifier en soi un système lui-même. Il s’agit au contraire toujours de chercher comment répondre à une objection.
Il propose un modèle d'organisation pour garantir la cohérence, l'efficacité, et l'égalité au sein des services publics de la société civile [00:40:53].

Ce modèle s'articule autour de quatre organes au sein des divers services publics, à chaque fois gérés par les Civiliens (voir illustration), à travers l’exemple d’une Institution Monétaire (mais il pourrait aussi s’agir d’une école, d’un hôpital, etc).
Organe | Rôle & Composition | Objectif |
L'Institution | Institution Monétaire, ou Hôpital, ou École, Institut de Recherche, etc. | Fournir le service public. |
Au sein de l’institution : le Conseil de Veille / Surveillance | Représentants d'ONG, d'usagers et d'employés. | Veiller à la bonne marche et à la réalisation des buts de l'institution [00:42:30]. |
Institut d'Audit | Indépendant de l'Institution. | Examiner les comptes et le fonctionnement pour s'assurer que l'argent public est utilisé conformément aux objectifs que l’institution s’est donné [00:43:07]. |
Conseil National des Usagers d’Institutions | Acteurs de la société civile du domaine. | Déterminer les ratios de plafonds budgétaires des institutions. Assure une forme d'égalité, tout en permettant une différenciation justifiée par le besoin social de la zone (ex: école en zone défavorisée peut avoir un budget supérieur) [00:44:04]. |
Conseil de Coordination | Regroupement des institutions du même domaine sur un territoire. |
Cet organisme garantit la proximité des réalités du terrain et une souplesse impossible dans un système centralisé [00:52:08]. L'idée est de créer des structures légères et vivantes qui ne recréent pas de « nouvelles usines à gaz » [01:09:06].
3. Les services publics rendus par des entreprises marchandes

La réflexion est élargie aux services qui sont de nature marchande mais qui sont pourtant soumis à des obligations de service public, comme la poste, les chemins de fer, les transports publics, ou l'énergie [00:56:30].
Une présentation détaillée du fonctionnement d’un service public de la société civile se trouve ici : www.civiliens.info/19 (deuxième vidéo). Dans cet exemple, il s’agit d’un service public de gestion de la monnaie (de contribution). Un autre exemple, qui concerne cette fois-ci les Écoles de la Société Civile, est donné ici : www.civiliens.info/21 (il s’agit de la quatrième vidéo mentionnée sur cette page et intitulée, « DÉCOUVRIR les Écoles de la Société Civile – Partie 2 »).
IV. Derniers points abordés en réponse à des questions des participants

Un défi à terme est de « civilianiser » progressivement le secteur économique [01:03:23], en amenant les entreprises dans une démarche sociétale, grâce à de nouveaux outils, notamment un nouveau système monétaire international qui refléterait les efforts des entreprises en matière sociale et environnementale dans les taux de change appliqués au sein de chaque zone monétaire [01:05:53] et ce, en se gardant bien de verser dans les travers du bolchévisme (à lire : Dépolluer l’économie – Révolution dans la monnaie).
Les initiatives autogestionnaires passées, comme les communautés zapatistes ou les collectivités liées à l'anarcho-syndicalisme pendant la guerre civile espagnole, sont citées comme des exemples inspirants de société civile prenant en charge ses propres services publics [01:08:23].

Doit-on faire une distinction entre les besoins les plus fondamentaux et ceux qui ont été créés par l’intermédiaire d’un marketing artificiel ? Cet enjeu vaste et complexe trouvera des solutions [01:10:33]. en passant par le développement d'un « marketing de concertation » (par opposition au marketing de manipulation), notamment à travers les Conseils d'Usagers qui s'attachent à prendre connaissance des besoins qui s'expriment librement.
Les rencontres et vidéos de formation civiliennes sont un appel stimulant à l'imagination pratique pour une action civilienne qui met entre autres en œuvre, pas à pas, une authentique démocratie évolutive.
Cette formation a-t-elle fait l'objet de questions de la part du public (et de réponses) ?
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