

Rencontre 07
Pourquoi ne pas remettre directement en cause l’autorisation de la fabrication de la monnaie-dette accordée aux banques privées?
Jeannine pose la question suivante :
Avant de considérer que le capital devrait être plutôt un prêt remboursable progressivement, pourquoi ne pas mettre en cause directement l’autorisation de la fabrication de la monnaie-dette accordée démocratiquement ou antidémocratiquement ( ???...) aux banques privées ?
Quels sont les blocages qui font que le capital reste toujours présent sur le bilan d'une entreprise?
Une question posée par Nicole.
Cela peut surprendre, mais je ne sais pas s'il y a vraiment un blocage. La question n'est tout simplement pas posée. Je n'ai jamais vu un texte qui parle de cette anomalie comptable (mais je n'ai pas tout lu, loin de là !). Je crois que l'on prend cela comme quelque chose qui fait naturellement partie du décor, si je peux l'exprimer ainsi. Le capital n'est pas réellement remis en cause. Ce qui est discuté, c'est qui le possède, les investisseurs privés, les collaborateurs de l'entreprise ou l'État, ou encore un mix.
Le fait d'aborder la question par le côté comptable permet un autre angle de vue qui met en relief le décalage qui existe entre l'argent servant à l'établissement de l'entreprise et celui qui provient des ventes cinq ans, dix ans, trente ans plus tard.
Mais il est certain que si cette incongruité venait à être davantage connue, des oppositions se dresseraient pour éviter que le débat ne s'amplifie. Car il est de l'intérêt des investisseurs de maintenir la situation telle qu'elle est. Sinon, les conséquences seraient grandes, à commencer par la remise en cause de la bourse.

La suppression de la création de la monnaie-dette par les banques privées ne résoudrait pas la question du capital et de la propriété des actions par des investisseurs. Car l'argent avec lequel ces investisseurs achètent les actions provient, généralement, d'autres sources que l'emprunt.
Dans la Rencontre Civilienne 7, nous montrons justement que l'argent nécessaire à la constitution du capital devrait provenir de prêts remboursables. Alors comment faire en sorte que ces prêts relèvent d'une création monétaire saine ? C'est ce que nous aborderons dans la Rencontre Civilienne 12 en décrivant ce que j'appelle les Instituts de Financement dont la seule tâche est le prêt à l'économie réelle. Ces Instituts seraient une nouvelle forme de service public de la société civile et ils prêteraient sans intérêts. Ces prêts seraient une création monétaire. Dans mon livre Dépolluer l'économie, je montre que ce n'est pas en soi un problème.
Depuis le film de Paul Grignon, L'argent-dette, cette question de la création monétaire par les banques privées a été considérée comme la source de tous les maux. Je me demande si l'on aurait vu cela de la même façon si les banques avaient prêté à l'économie réelle, et uniquement à elle, et sans intérêt.
Lorsque l'on remonte aux causes des problèmes, on s'arrête souvent en chemin. L'on croit avoir atteint la cause première. Mais c'est souvent un leurre. Il faut être beaucoup plus précis dans l'analyse des phénomènes. De ce point de vue, le film mentionné est très insuffisant et conduit beaucoup de ceux qui s'en inspirent à des solutions qui n'en sont pas.